Décision du Conseil Constitutionnel du 21 janvier 2022 : les points à retenir

Le Cabinet Barok Avocats propose une note explicative sur six points essentiels de la décision du Conseil constitutionnel rendue le 21 janvier 2022 (à l’exclusion de l’état d’urgence dans les territoires).

1

Sur la constitutionnalité du passe vaccinal à l’accès de certains lieux (§ 24)

Décision

L’exigence d’un passe vaccinal (schéma vaccinal complet ou certificat de rétablissement dans l’attente d’un décret (§ 19)) aux lieux visés ci-dessous est conforme à la Constitution. Seules les personnes disposant d’une contre-indication à la vaccination (en attente d’un décret) pourront en être exemptés et ils n’auront pas à produire un tel passe vaccinal (§19).

Une réserve est posée au paragraphe 20, en ce qui concerne le cumul d’un passe vaccinal et d’un test négatif :

« il n’a réservé une telle possibilité que pour les activités qui, par leur nature même, ne permettent pas de garantir la mise en œuvre des mesures de nature à prévenir les risques de propagation de la covid-19. Ces dispositions ne sauraient toutefois, sans méconnaître la liberté d’aller et de venir, s’appliquer aux déplacements de longue distance par transports publics interrégionaux » (§ 20).

Explication

Le Conseil Constitutionnel rappelle que l’objectif poursuivi pour prendre des mesures restrictives à compter des enfants âgés de 16 ans en imposant un passe vaccinal est : l’objectif à valeur constitutionnel qu’est la santé au visa de l’alinéa 11 du préambule de la Constitution (§§ 7 et 11).

A ce titre, le Conseil Constitutionnel rappelle qu’il : « […] ne lui appartient pas de remettre en cause l’appréciation par le législateur de ce risque[de propagation de l’épidémie] ni de rechercher si l’objectif de protection de la santé aurait pu être atteint par d’autres voies, dès lors que, comme c’est le cas en l’espèce, ni cette appréciation ni les modalités retenues par la loi, qui a imposé qu’il soit mis fin aux mesures [imposant un pass vaccinal] dès lors qu’elles ne sont plus nécessaires, ne sont pas, en l’état des connaissances, manifestement inadéquates au regard de l’objectif poursuivi et de la situation présente » (§ 14).

Ce faisant, le Conseil Constitutionnel considère que la production d’un passe vaccinal pour accéder aux lieux ci-dessous mentionnés n’est pas contraire à la Constitution car l’imposition d’un passe vaccinal ne saurait être regardé, « eu égard à la nature des lieux et des activités qui y sont exercées, comme instaurant une obligation de vaccination » (§ 17).

La subordination d’un passe vaccinal concerne les lieux suivants : « activités de loisirs et des activités de restauration ou de débit de boissons ainsi qu’aux foires, séminaires et salons professionnels, aux transports publics interrégionaux pour des déplacements de longue distance et à certains grands magasins et centres commerciaux » (§ 9), à l’exclusion « de la restauration collective, de la vente à emporter de plats préparés et de la restauration professionnelle routière et ferroviaire » (§ 15).

De même, s’agissant « des déplacements de longue distance par transports publics interrégionaux, le législateur a prévu que, en cas d’urgence faisant obstacle à l’obtention du justificatif requis, aucun document sanitaire n’est exigé et, par des dispositions qui ne sont pas imprécises, que l’exigence de présentation d’un ‘’passe vaccinal’’ est remplacée par celle de présentation d’un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination à la covid-19 en cas de ‘’motif impérieux d’ordre familial ou de santé ’’ » (§ 16).

En revanche, si le Conseil Constitutionnel, dans ce même paragraphe 16, souligne que le Législateur a pris des garanties (lesquels ???) en ce qui concerne l’accès aux centres commerciaux, précisément l’accès aux besoins de première nécessité. Dans le même temps, le Conseil Constitutionnel souligne qu’un décret pris par le Gouvernement sera pris pour établir un seuil au-delà duquel une autorisation d’accéder à ces lieux sera exigée par une décision motivée du Prefet (§ 16).

Un contrôle de proportionnalité sera envisageable, à la lecture du paragraphe 17, aux fins d’évaluer la nécessité du maintien de ces restrictions, sans pour autant que ce contrôle ne puisse aller jusqu’à l’appréciation des résultats dont détient le Législateur et des modalités pour combattre l’épidémie (cf. § 16, supra)

2

Sur les obligations imposées au titre du « passe vaccinal »
à certains salariés et agents publics (§ 37)

Décision

L’exigence d’un passe vaccinal à certains salariés et agents publics travaillant dans les lieux ci-dessous exposés (§ 28) est conforme à la Constitution.

Explication

À la lecture de la décision du Conseil Constitutionnel, il est prévu que « le Premier ministre peut subordonner à la présentation d’un « passe vaccinal » l’accès des personnes qui travaillent dans les lieux où sont exercées des activités de loisirs ou de restauration commerciale, dans les foires, séminaires et salons professionnels, dans les transports publics interrégionaux ainsi que dans certains grands magasins et centres commerciaux. Dans ce cas, les personnes qui ne satisfont pas à cette obligation peuvent voir leur contrat de travail suspendu » (§ 28).

Le Conseil Constitutionnel reconnaît qu’il s’agit là d’une obligation vaccinale (§ 29). À ce titre, le Législateur a précisé qu’une telle exigence concerne « des personnes qui travaillent dans de tels lieux uniquement lorsque la gravité des risques de contamination en lien avec l’exercice de leur activité professionnelle le justifie, au regard notamment de la densité de population observée ou prévue ».

En tout état de cause, les salariés et agents du service public bénéficiant d’une contre-indication à la vaccination (§ 19, supra) ne sauraient être contrainte à la vaccination obligatoire (§ 35)

3

Sur la production d’un document officiel lors du contrôle de la détention
du « passe vaccinal » et du « passe sanitaire » (§ 47)

Décision

La production d’un document officiel lors du contrôle de la détention d’un passe (sanitaire ou vaccinal) est conforme à la Constitution.

Une réserve est posée au paragraphe 46 : « En dernier lieu, la mise en œuvre des dispositions contestées ne saurait, sans méconnaître le principe d’égalité devant la loi, s’opérer qu’en se fondant sur des critères excluant toute discrimination de quelque nature que ce soit entre les personnes».

Explication 

A la lecture du paragraphe 41, la finalité poursuivie est de « permettre à l’exploitant d’un lieu dont l’accès est soumis à la présentation d’un « passe » vaccinal ou sanitaire de demander à une personne qui souhaite y accéder de produire un document officiel comportant sa photographie, aux seules fins de vérifier la concordance entre les éléments d’identité mentionnés sur ces documents. Le refus de la personne de produire un tel document ne peut avoir pour autre conséquence que l’impossibilité pour elle d’accéder à ce lieu » (§ 41).

Il ne s’agit en aucun cas une délégation des pouvoirs de police administrative aux personnes privées ( § 42).

4

Sur la répression des manquements aux obligations de contrôle de la détention
d’un « passe vaccinal » ou d’un « passe sanitaire ( §§ 54 et § 56)

Décision

L’infraction destinée à réprimer les manquements aux obligations de contrôle d’un passe (sanitaire/vaccina) est conforme à la Constitution.

Explication

L’infraction est la suivante : « lorsqu’un tel manquement est constaté à plus de trois reprises au cours d’une période de quarante-cinq jours, l’exploitant ou le professionnel peut être condamné à un an d’emprisonnement et à 9 000 euros d’amende » (§ 52).

5

Sur la cause d’extinction de l’action publique applicable à certaines infractions relatives au défaut de détention régulière du « passe vaccinal » ou du « passe sanitaire (§ 64)

Décision

Conformité de la disposition ci-dessous à la Constitution

Explication

Il s’agit de l’extinction de « l’action publique pour l’application des peines encourues en cas de méconnaissance de l’obligation de présentation d’un « passe » vaccinal ou sanitaire, de présentation d’un « passe » appartenant à autrui et d’usage ou de détention d’un faux « passe » en vue de son usage personnel est éteinte si, dans un délai de trente jours à compter de la date de l’infraction, la personne concernée justifie s’être fait administrer une dose de vaccin contre la covid‑19 prise en compte pour la délivrance du justificatif de statut vaccinal» (§ 60).

6

Sur les dispositions permettant de subordonner l’accès à une réunion politique
à la présentation d’un « passe sanitaire » (§ 73 et 75).

Décision

Le Conseil constitutionnel a déclaré cette disposition inconstitutionnelle à la Constitution.

Explication

Le but de ces dispositions étaient de permettre l’accès aux réunions politiques à un passe sanitaire. Cependant, le Législateur a méconnu le principe la liberté de réunion et d’expression au visa de l’article 11 de la DDHC.

En effet, faut de conciliation, le Conseil Constitutionnel rappelle que « La liberté d’expression et de communication, dont découle le droit d’expression collective des idées et des opinions, est d’autant plus précieuse que son exercice est une condition de la démocratie et l’une des garanties du respect des autres droits et libertés. Il s’ensuit que les atteintes portées à l’exercice de cette liberté et de ce droit doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées à l’objectif poursuivi » (§ 68).

C’est pourquoi, le Conseil des Sage souligne que : « Les dispositions contestées n’ont soumis l’édiction de telles mesures par l’organisateur de la réunion politique ni à la condition qu’elles soient prises dans l’intérêt de la santé publique et aux seules fins de lutter contre l’épidémie de covid-19, ni à celle que la situation sanitaire les justifie au regard de la circulation virale ou de ses conséquences sur le système de santé, ni même à celle que ces mesures soient strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu» (§ 73).